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Saint-Omer- les 8e RI - 208e RI - le 7e RIT
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22 février 2011

Poème

Poème

 

Je vous propose aujourd’hui un poème écrit dans la tranchée en février 1917.

Celui-ci, publié par les éditions Crès, est de Marc Leclerc, soldat au 71e territorial.

 


Souvenirs de tranchées

 

Quand les Boch’, de leur coûté

N’paraiss’nt pas trop excités,

I mont’de tout’ la tranchée

Comme eune espèc’ de gratt’ment :

On entend des grignott’ments,

Des grinc’ments d’lime ébréchée…

 

On dirait qu’l’armée des rats,

Saoûl’ de biscuit et d’cuir gras,

S’rait à roucher d’la ferraille…

… Dans les escaliers d’abris,

Ou dans n’ein coin accroupis,

C’est les Poilus qui travaillent !

 

Y en a qui mont’nt des crayons,

Des canifs, des tir’boutons,

Avec des douill’ et des balles ;

Armés d’ein poinçon cassé

Qu’il faut sans cesse r’passer,

Y en a qui grav’nt des timbales ;

 

Y en a d’autr’ ben appliqués

A fabriquer des briquets

Dans des cartouch’ éclairantes…

- Je n’ parl’ pas des artilleurs

Qui transform’nt en vas’ à fleurs

Des douill’ d’obus tout’ brillantes –

 

Mais les pûs malins font choix,

Pour fair’ des bagu’ et des croix,

D’l’aluminium de fusées…

Is n’ont queuqu’ foés ben du mal,

Car pour travailler c’métal,

La besogn’ n’est point aisée :

 

Faut, avant meim’ d’êtr’ fondu,

Qu’i séy’ d’abord descendu

Sous la forme d’eun’ « marmite »…

Aussitôt qu’î n’est rendu

- Et ben qu’ça séy’ défendu –

D’tous coûtés on s’précipite

 

Pour tâcher de l’dépiquer…

Si y en a d’quoé fabriquer

Vingt bag’, ou eune tabaquière,

Quand on craignait d’en manquer

Ça vaut ben d’avoer risqué

De s’fair’ casser la caf’tière !

 

Des les escaliers d’abris

Ou dans n’ein coin accroupis,

Les Poilus, la têt’ penchée

Chacun sûs son p’tit étau,

A coups d’lime et d’vieux couteaux,

Font des « souv’nirs de Tranchées ».

 

Faut les voer, quand is les font,

Ces pauvers « bijoux du Front »,

Pour savoer c’qu’i n’y tient d’choses ;

Et, quand îs n’y grav’nt ein cœur

Au milieu d’ein bouquet d’fleurs,

C’cœur-là n’s’y trouv’ pas sans cause…

 

Ben sûr, ces pauv’brimborions,

A les voer sans émotion,

Ça n’apraît pas des marveilles ;

Mais, quand on les a compris,

On peut dir’ qu’îs sont sans prix

Et d’eun’ valeur sans pareille :

 

Y a pûs rich’ chez l’bijoutier,

Et des ouverriers d’méquier

S’raient sûr’ment ben pus habiles …

Mais parsonn’ pourrait rach’ter

Tout’ la pein’ qu’îs n’ont coûté

Pour cent francs ni meim’ pour mille !

 

Dans les escaliers d’abris,

Ou dans n’ein coin accroupis,

Les Pauvres Poilus travaillent…

… Alors, moé, pour fair’ comme eux,

Et n’sachant ren fair’ de mieux,

J’ai fabriqué des rimailles ;

 

Et, point riche en matériaux,

Comme eux sûs leûs affutiaux,

Avec eun’ pointe écachée,

C’est leû cœur, leû si Grand Cœur

Qu’j’ai gravé, parmi queuqu’ fleurs,

Dans ces « Souvenirs de Tranchées » !

 

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